Karoshi

Karoshi

Karoshi est le mot japonais pour « la mort par le travail ». C’est l’aspect ultime du burnout qui ravage nos rangs.

Après le désopilant parasite, dans lequel une famille coréenne désargentée s’implante sournoisement dans la maison de riches bourgeois, Bong Joon Ho change complètement de registre, quand bien même de ses deux films les intrigues se disputent la palme de l’invraisemblance. Avec Mickey 17, comme dans le superbe Avatar, le réalisateur questionne colonisation, génocide et eugénisme au moyen de la science fiction.

A la suite d’investissements funestes, Mickey et son meilleur pote se trouvent contraints de fuir la planète terre pour échapper aux griffes d’un créancier cruel. Hélas pour lui, faute d’avoir, comme tout un chacun, déchiffré le texte en caractères italiques minuscules de son contrat, il n’est admis à bord du vaisseau spatial qui mettra 4 ans à rejoindre une lointaine colonie extraterrestre, que comme « remplaçable« , plutôt sacrifiable devrait-on dire.

Comme les réplicants de Blade Runner, le chef-d’œuvre de Ridley Scott dans lequel Harrisson Ford n’est pas toujours au mieux de sa forme, il est cantonné aux travaux périlleux qui immanquablement se soldent par son décès. Heureusement (ou non) pour lui, il est alors immédiatement « réimprimé » à partir des déchets organiques de la colonie dans une machine futuriste qui reconstitue son corps à la molécule près et y réinjecte ses souvenirs. A chaque opération, il est renuméroté.

Mickey 17 nous rapporte donc les tribulations de la 16ème copie du Mickey original, qui va se trouver confrontée à d’inextricables complications. Robert Pattinson est époustouflant dans son dédoublement de personnalité, comme le sont les effets spéciaux (spatiaux), qui constituent une part du régal des films de SF.

Ce thème fascinant de la reconstitution d’un corps humain à l’identique à partir d’un original ou d’un programme génétique est abordé par de nombreuses œuvres de SF, comme celles d’AE van Vogt, dans le monde du non A, dans « la mouche » le film fascinant et horrifique de David Cronenberg où Jeff Golblum invente un télépode qui reconstruit son corps dans une espèce de fax futuriste, dans le film le prestige, à la chute hitchcockienne ou encore dans l’époustouflant 5ème élément de Luc Besson.

Au delà de la classique histoire de la colonisation d’une planète lointaine (ou d’un continent…) et de l’extermination de ses habitants, cette thématique questionne notre humanité : qu’est-ce que notre personnalité ? De quoi la conscience est-elle faite ? Sommes nous nos souvenirs, notre vécu ? Certains ont pu penser que l’âme, cette « part des anges« , pesait seulement 21 grammes. Dans un monde bientôt révolutionné par l’IA et qui pourrait dans 30 ans être peuplé de milliards de robots humanoïdes, on peut se poser la question de l’immortalité, telle que l’aborde José Rodrigues dos Santos dans son roman immortel.

Il n’en demeure pas moins que nous pensons et donc « qu’il pense dans l’univers« , et que depuis la singularité initiale l’évolution a patiemment sécrété la conscience, qui git comme le cerveau dans sa grotte, et pourrait, qui sait, un jour, lointain (ou pas), migrer dans une immortelle mémoire numérique.

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