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Je reprends en écho les mots du pape François, qui ne craint pas de défier la pieuvre mafieuse au péril de sa vie et qui proclame ce que tous les religieux, musulmans en particuliers, mais pas seulement, devraient en ces dies irae transmettre à leurs fidèles.
La réalité nous a rattrapés : la mort ne frappe plus à Beyrouth, dans le Sinaï ou à Jérusalem, mais potentiellement désormais à chaque coin de métro, à chaque terrasse, dans chaque bistro parisien.
L’escalade de la violence a changé de dimension. Meurtre de masse, sans distinction d’âge, de sexe ou de confession : les assassins commandités par l’EI ont tué de sang-froid, sans pitié aucune. Il y a désormais un avant et un après, comme le 11 septembre l’avait marqué pour les américains, qui ont, en la personne de Barack Obama, été les premiers à nous témoigner leur solidarité.
Le problème est de savoir si les français se rassembleront autour des valeurs démocratiques qui sont celles de leur patrie ou s’ils se cliveront en une défiance inter-communautaire comme le souhaitent vraisemblablement ceux qui tirent les ficelles… Le controversé « qui est Charlie ? » pose ces questions qui appuient où ça fait mal.
Avec l’EI, on est dans une pensée médiévale : chasse aux sorcières, exactions, exécutions publiques, torture systématisée. Le catholicisme a connu au moyen-âge cette pensée unique, reprise par Staline, Mao, Pol Pot. Le hic, c’est qu’on est au troisième millénaire : va-t-il être aussi sanglant et impitoyable que le vingtième siècle ? Il faut relire 1984, le règne du totalitarisme, de la désinformation érigée en principe absolu, le mépris du l’humain : Orwell y décrit la barbarie d’un monde où le futur se présente sous la forme d’une botte qui écrase un visage, sans fin.
Je crois que le monde occidental paye les crimes commis par la CIA depuis 50 ans, au bénéfice des multinationales. Les grandes puissances, dont la France qui reste un marchand d’armes, ont soutenu des régimes autocratiques, j’en ai été témoin en Afrique, au détriment de régimes plus égalitaires comme celui d’Allende au Chili. Les américains ont mis en place Pinochet, Bush a envahi l’Irak dont Jean Pierre Chevènement m’avait à juste titre fait remarquer que malgré Saddam Hussein, ce pays était, au Moyen-Orient, le seul à pouvoir évoluer vers une démocratie, une république non islamique. C’est désormais une zone de déstabilisation totale livrée en pâture aux multinationales.
Le monde n’a jamais été aussi inégalitaire depuis un siècle, avec une fraction (1 % voire 0,1%) qui accapare 20 à 30% des richesses mondiales, si ce n’est davantage (Les 85 familles les plus riches possèderaient l’équivalent de ce que possèdent les 3,5 milliards d’humains les plus pauvres).
Or le fondamentalisme se développe sur l’exploitation, la misère et l’ignorance, pour ne pas dire la bêtise. Comme en 14, ce n’est pas Nivelle qui monte au « casse-pipe ». Ce ne sont pas les chefs de l’EI qui se ceignent de ceintures d’explosifs. Comme dans 1984, ou dans « Equilibrium », les chefs manipulent les masses. Comment peut-on croire qu’un Dieu, créateur de toute chose, pourrait désirer le meurtre de sa créature ?
Couper la tête de l’EI, c’est lutter avec l’hydre de Lerne dont les têtes repoussaient doubles quand elles étaient tranchées. Hercule la vainquit en y mettant le feu.
Mais il faudra une génération ou plus pour supprimer le terreau du terrorisme. La disparition brutale d’un tyran amène immanquablement une période de chaos terrible, comme la terreur pendant la révolution. Celle de Tito a déchainé l’horreur dans les Balkans, celle de Khadafi a déstabilisé tout une partie de l’Afrique, entrainant l’intervention française au Mali et une partie de la vague immense de migration dont on connait les drames. C’est l’effet papillon : la photographie d’un petit noyé submerge le continent européen, et l’immolation d’une jeune tunisien déstabilise tout le Moyen-Orient. C’est pourquoi il faudrait se méfier d’une destitution prématurée d’Assad, sans réfléchir à qui prendra sa place. Une lutte non violente comme celle d’Aung San Suu Kyi a pris du temps, mais donne l’espoir d’une transition birmane qui ne sera pas noyée dans le sang.
Il faut réfléchir à la façon de couper la tête de l’hydre, mais surtout à un monde meilleur, où la goinfrerie des multinationales qui a également provoqué le saccage de l’environnement, ne ferait plus la loi.
Il va être difficile d’arrêter le Titanic avant qu’il ne percute l’iceberg.