Élégie au pays du soleil levant

Meurtrie par l’infidélité de son mari, Ruriko fuit Tokyo pour le chalet familial où, enfant, elle passait ses vacances estivales. Le chalet, isolé dans la montagne au milieu des bois, n’est relié à la civilisation que par la proximité de l’auberge locale, le « Grasshopper », dont Ruriko adore la patronne à l’obésité douce et rassurante, seule capable d’intimer de faire la roue au paon apprivoisé .
Ruriko, qui est calligraphe, tente de laisser cicatriser les plaies de son âme dans l’atmosphère sereine du chalet, au milieu de l’odeur de l’encre, de la douceur du vélin et de la nature magnifique dont le passage des saisons n’est pas sans rappeler le « Pays de neige » de Yasunari Kawabata et « dans un jardin qu’on dirait éternel« , dont nous avons déjà parlé.
Elle fait bientôt connaissance de ses étranges voisins, qui habitent deux maisons isolées dans la forêt attenante : Natta, la quarantaine, un ancien musicien devenu facteur de clavecins, qui s’exprime d’une voix profondément apaisante, et Kaori, son apprentie, jeune femme grande et mince dont la carnation délicate fascine Ruriko. L’un et l’autre créent dans une atmosphère méditative, pièce après pièce, les éléments de ces instruments de musique d’une subtile perfection, sous la supervision bienveillante de Dona, le chien pratiquement sourd et aveugle de Natta.
En dépit de son labeur de dentelière, fragilisée par sa solitude et fascinée par le mystère qui les entoure, Ruriko n’aura de cesse de percer le secret de la relation qui lie ces deux êtres porteurs d’une déchirure secrète, au risque de briser l’équilibre de cristal qui s’est établi entre eux.
écrit en 1996, Les tendres plaintes est un des plus beaux romans de Yoko Ogawa, à l’égal de ses meilleurs écrits : Le réfectoire un soir et une piscine sous la pluie (1998), l’annulaire (1999), Le musée du silence (2003), dont la poésie méditative est au moins égale à celle du Fusil de chasse de Yasoushi Inoué et des belles endormies de Kawabata.