Bienvenue chez les Shtisel

Bienvenue chez les Shtisel

J’aurais pu appeler ce post « Ultra-orthodoxes », en référence à l’excellente mini-série « Unorthodox » également au menu de Netflix. En tout état de cause, les Shtisel, on adore, voilà, c’est dit.

Les hommes, barbe broussailleuse, chapeaux noirs et papillotes, passent leur temps à étudier la Torah et le Talmud. Les femmes, qui couvrent leurs cheveux, semblent effacées mais, mères juives avant tout, font marcher à la baguette ce petit monde encorseté de règles immémoriales autant que rigides.

Shulem Shtisel, le patriarche, rabbin, « mange et fume » et fréquente des veuves juives qui cuisinent divinement. Il a perdu sa femme Dwora l’année précédente, mais continue à communiquer avec elle dès que son attention vagabonde. Comme les romans de Gabriel Garcia Marquez, la série sacrifie au « réalisme magique » : vivants et morts coexistent quotidiennement.

Akiva Shtisel, le fils cadet, rêveur, romantique, attachant, est un artiste talentueux dont les toiles naissent des émotions qui le secouent. Indécis, amoureux éconduit, il est qualifié de « bras cassé » par la marieuse que Shulem lui a collé sur le dos. Son destin semble se cristalliser lorsqu’il revoit sa cousine germaine Libbi, qui était partie vivre en Belgique 15 ans auparavant. Elle est chaperonnée par son père Nukhem, frère cadet de Shulem, qui a tout de l’odieux personnage. Grincheux, médisant, près de ses sous, il lui cherche un parti convenable, donc ultraorthodoxe et « sérieux ».

Au fil des épisodes et des trois saisons, on suit les disputes violentes entre Shulem, têtu, égoïste et irascible et son fantasque de fils qu’il appelle affectueusement « Kivé », le seul à être resté à la maison. Shulem a un bon fond, et les réconciliations succèdent aux tempêtes.

Les autres enfants de Shulem ont fondé une famille. Le fils ainé, Zvi Arye Shtisel, rabbin respecté pour son savoir rabbinique, chante comme un dieu, mais sacrifie une potentielle carrière musicale par peur de perdre son épouse Tovi dont on découvre qu’elle serait peu encline à lui céder un rein. La fille, Giti, est mariée à Lippe Weiss, une espèce de looser plein de bonne volonté qui a bien du mal à lui tenir tête. Giti est championne de l’ambivalence et entend tout régenter. Les vies de sa fille Ruchami (Shira Haas, lauréate d’un Emmy pour “Unorthodox”) et de son fils Yosa’le, ambivalent comme elle.

En effet les relations de ceux-là sont contradictions, double contrainte et conflits de loyauté. On baigne en pleine psychanalyse, Freud se régalerait. Face à ces guerres intestines et ces amours contrariées qui opposent hommes et femmes, parents et enfants, la vérité sort souvent de la bouche de Malka, l’adorable aïeule, déjà à moitié partie dans un au-delà chimérique.

Quoi qu’il en soit, entre comédie hilarante et drame sentimental, les Shtisel, une famille à Jérusalem nous régale d’humour juif et d’un savoureux Yiddish. Pour être complètement dans l’ambiance, il ne manque plus que d’écouter Hulyet et de courir rue des rosiers déguster un Strudel au pavot.

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