Un mariage et un enterrement
Posté le 11 Novembre 2014
Arte consacre un cycle au sulfureux danois.
Avec Breaking the Waves, Emily Watson illumine le chemin de croix : doute, passion et sacrifice.
Dans cette parabole violente et terrible, Lars von Trier percute la bonne conscience des cœurs de pierre qui prétendent condamner la femme de mauvaise vie.
Heureux les simples d’esprit, car ils verront Dieu proclame l’évangile. Bess incarne l’amour inconditionnel et la primauté de l’illumination sur la vertu. Agneau parmi les loups, elle s’avance au devant du sacrifice suprême. Contre toute attente, ce que chacun – spectateur en premier lieu – prend pour de la superstition, comme le médecin qui incarne doute et crainte de l’irrationnel, se révèlera ultimement être le pouvoir transcendant de la foi.
Cette jeune femme fragile, aux yeux d’une communauté confite dans ses certitudes et ses tabous, rappelle en effet dans son dialogue avec Dieu, le héros de psychose. Il faudra qu’elle connaisse le martyre pour que sa propre mère consente à la reconnaitre. Les enfants du village eux-mêmes, déjà corrompus par la lettre de la loi, la condamnent à la lapidation.
Les plus a plaindre (Père, pardonnez-leur : ils ne savent pas ce qu’ils font) sont les hommes, qui la manipulent, l’utilisent, la brutalisent et finissent par la tuer, corbeaux horribles qui se condamnent eux-mêmes lorsqu’ils prononcent au bord de la tombe son excommunication : on pense aux mots de Léonard Cohen : il a coulé sous votre sagesse comme une pierre…
Bess aussi connait son Gethsémani : sous le couteau du sacrificateur, elle recule au dernier moment. Comprenant pourtant que son sacrifice seul pourra fléchir la déité, elle finit par faire le don total d’elle même et provoque le miracle. A leur insu, les pharisiens n’enterreront que du sable, son amour Jan connait la rédemption et le film s’achève sur le pied de nez final en forme d’assomption dans le tintement des cloches dont les ministres du culte prétendaient pouvoir se passer pour honorer leur Dieu.