Minuscule safari
J’ai passé une partie des vacances d’été dans le Finistère, au ras des pâquerettes, à mettre en application avec plus ou moins de bonheur et de crampes les différentes stratégies qu’on peut proposer dans les situations de macrophotographie (soit, petit rappel en passant, un grossissement de x1 à x5 sur le capteur, ici celui du demi-format ou APS-C de mon Canon EOS 600D).
Mon arme absolue est le MP-E 65 mm F/2.8, la Rolls de Canon dédiée à cette plage d’agrandissement. Il n’en demeure pas moins que la maîtrise de la profondeur de champ, de la lumière qui s’amenuise à mesure qu’on avance vers le rapport x5, du léger zéphyr qui brinquebale comme un typhon tout ce petit monde arachnidien ou entomologique, quand ce ne sont les pérégrinations des involontaires acteurs eux-mêmes, suppose un sang-froid de maitre zen et une patience d’ange.
– première solution : le trépied. Avantage, on est stable, et pour peu qu’on ait la chance de posséder un rail de mise au point, on peut s’approcher à pas d’animalcule de la scène convoitée. Si rien ne bouge (pas de vent, l’insecte dort – ça n’arrive qu’au lever du jour quand il est englué dans sa grasse matinée glaciale, ou, hélas, quand il a cessé de vivre), on peut trancher en profondeur les pixels de l’espace, mm par mm, et confier l’ensemble des coupes à Combine ZM selon la technique du Focus stacking. Ça donne la reconstruction d’une image telle que la mouche ci-dessus. Le problème, c’est qu’il faudrait avoir une crémaillère pour se déplacer mm par mm de haut en bas, mais le déploiement de la colonne centrale du trépied expose à des vibrations qui viennent gâcher tout le travail de tireur de kyudo qu’exige l’obtention d’une netteté parfaite. Les trépieds Benro sont prévus pour ça, mais pas donnés.
– seconde solution : à plat ventre dans l’herbe, comme eux, l’objectif calé sur un sac de lentilles. Beaucoup moins d’esbroufe, mais un autre confort et moins de courbatures. Surtout, ce dispositif bon marché (qui suit le cours de bourse de la lentille végétale, plus capricieux mais moins onéreux que celui des lentilles Canon) donne une souplesse et une réactivité imbattables face aux déplacements pachydermiques d’un trépied qui se plante dans le sol et s’emberlificote dans les racines et les branches basses de la jungle miniature.
– troisième solution, qui peut être couplée à la précédente : cette fois, le stacking est virtuel, on règle la prise de vue sur rafale, et on fond sur la cible comme un oiseau de proie en mitraillant devant, dans et en arrière du plan de netteté (l’œil à facettes du coléoptère – ou du diptère d’ailleurs). Parmi la douzaine d’images capturées, l’une d’entre elles a des chances d’être nette là où on l’espérait.
L’ensemble de ces stratégies, qui ont l’intérêt de varier les plaisirs et par là d’économiser les lombaires doit être parfois couplé avec l’usage judicieux du flash et le blocage du miroir en position relevé, pour limiter au maximum les vibrations, dans un univers où un millimètre couvre déjà l’intervalle entre alpha et oméga.