Higashino
Le confinement covidien est l’occasion unique de consacrer davantage de temps à la lecture que dans nos existences habituelles, marquées par la course à mille tâches quotidiennes aussi inutiles que prenantes. Si la situation devait se prolonger, nous pourrions rattraper nos retards culpabilisants (pour moi Guerre et paix et la Recherche du temps perdu), mais dans l’immédiat je vous propose de découvrir une autre perle du polar japonais : Keigo Higashino.
Chacun de ses romans mets aux prises la perversion d’un criminel qui trouve une solution alambiquée à la réalisation d’un crime parfait, avec la sagacité d’un enquêteur perfectionniste à la logique mathématique. Ses intrigues Hitchcockiesques (in cauda venenum) construites comme un origami, explorent la part sombre de l’âme humaine (ce n’est pas un pléonasme pour ceux qui pensent que les animaux en ont une, pas forcément plus petite) et promènent le lecteur dans un labyrinthe de questions, mises à profit pour une exploration sociologique de la culture japonaise.
Dans Le dévouement du suspect X, un voisin amoureux est prêt à se sacrifier pour protéger la criminelle qui a assassiné son mari. La fleur de l’illusion nous embarque dans une intrigue botanique autour de la création d’une rarissime ipomée jaune aux propriétés malfaisantes. Dans Un café maison, le diable est dans les détails et la clé de l’énigme est dans une cafetière. Dans Les doigts rouges, des parents veulent protéger leur fils adolescent qui a assassiné une fillette, au prix de leur propre salut. Dans La lumière de la nuit, l’intrigue s’écoule sur des années en quelques 742 pages. Chaque histoire se dévore du début à la fin. Le style est un régal, les chapitres s’enchainent comme une série télévisée dont on espère paradoxalement connaitre et ne jamais voir venir la fin.
Si vous en réclamez encore, dans un style assez proche, Irezumi, de Akimitsu Takagi, paru en 1948 mais qui vient seulement d’être accessible en français. Une jeune femme parée d’un magnifique et fascinant tatouage intégral en forme de serpent disparait. On retrouve son cadavre, ou plutôt ce qu’il en reste dans une salle de bain fermée de l’intérieur. En effet, le tronc a disparu. Qui est l’assassin ? Un des ses nombreux courtisans ou ce professeur obsédé par sa collection de peaux humaines tatouées ? Un mystère qui ne le cède en rien à celui de la Chambre Jaune ou de la rue Morgue, résolu par un jeune prodige des mathématiques et de la médecine.