Polars espagnols

Polars espagnols

Je ne saurais trop vous recommander la jubilatoire saga Pétra Délicado d’Alicia Giménez Bartlett.

Elle raconte les enquêtes barcelonaises de l’inspectrice Pétra Délicado et de son fidèle compère Fermin Garzon, assemblage hétéroclite qui n’est pas sans évoquer le couple tout aussi hispanique que formaient Don Quichotte et son Sancho Pança.

Pétra, jeune quadra deux fois divorcée, tient plus que tout à son indépendance. Elle à rejoint la police criminelle parce qu’elle s’ennuyait dans son métier d’avocate. Soupe au lait et tyrannique, elle martyrise à l’envi ses subordonnés sans craindre parfois d’aller jusqu’à la cruauté mentale. Obstinée, perfectionniste, et comme il se doit anxieuse, elle prend la mouche pour un rien et calme (souvent inefficacement) ses colères à grands renforts de verres de whisky. Ce portrait peu flatteur (elle reconnait qu’elle a un cœur de pierre) est heureusement adouci par la tendresse dont elle fait montre pour les réprouvés de tous bords malmenés par la vie.

L’inspecteur adjoint Garzon, l’ineffable Garzon comme dit de lui Pétra, est tout son contraire. Enrobé, sociable, amateur de bonne chère, ancré dans le concret, il est veuf et pas particulièrement élégant. Athée comme Pétra, voire anticlérical, impatient, râleur, parfois pas très fin, sa culture ne va guère au-delà des comptes-rendus footballistiques et des bières qu’il partage volontiers avec sa chef dans leur repère de prédilection : la Jarra de Oro.

Ces deux-là s’adorent mais sont bien trop pudiques pour le laisser paraître, et dans un grand respect mutuel, se chamaillent à longueur de journées, au gré de petites remarques décochées comme la flèche du Parthe, et qui font souvent mouche. En parallèle de leurs aventures, on suit bien entendu l’évolution de leur quotidien, notamment de leurs vies sentimentales, et leurs amours sont à l’un et à l’autre aussi compliquées qu’on pourrait s’y attendre.

Alicia Giménez Bartlett dresse un portrait au vitriol de l’Espagne et des espagnols, et ses romans sont tellement désopilants qu’ils devraient être remboursés par la sécurité sociale. En dehors de son apologie de l’alcool, la saga est un véritable manuel philosophique dans lequel on peut glaner à chaque page des réflexions sur l’existence, qu’on pourrait parfaitement croire adaptées à sa propre histoire.

A ne manquer évidemment sous aucun prétexte.

1996 Rites de mort
1997 Le Jour des chiens
1999 Les Messagers de la nuit
2000 Meurtres sur papier
2002 Des serpents au paradis
2004 Un bateau plein de riz
2007 Un vide à la place du cœur
2009 Le Silence des cloîtres
2013 Personne ne veut savoir (pas encore en poche)
2015 Crímenes que no olvidaré (pas encore traduit)


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