Que devient l’hydroxychloroquine ?

Que devient l’hydroxychloroquine ?

« Le plus grand ennemi de la vérité n’est pas le mensonge mais les convictions » (Nietzsche)

Depuis mon article sur l’étude princeps de Didier Raoult il y a 15 jours, l’épidémie a déjà fauché 100 000 personnes supplémentaires dans le monde. Hélas, l’espoir de trouver rapidement un traitement pharmacologique du Covid-19 n’a guère le vent en poupe. En deux semaines, quelques études ont été publiées, certaines dans des revues indexées sur PubMed, à comité de lecture (peer review), d’autres sur le site MedRXiv qui ne recense que des études en prépublication, non passées par les fourches caudines du peer review. Force est d’admettre qu’on ne voit pas se dessiner d’effet probant de l’hydroxychloroquine dans les publications scientifiques.

L’équipe de Didier Raoult a publié plusieurs travaux sur le coronavirus, dont une seconde étude sur la chloroquine. Comme l’annonce d’emblée le résumé sur PubMed, il s’agit cette fois d’une étude non contrôlée, non comparative. L’étude enrôle 80 patients Covid + dont l’état est jugé peu grave, tous traités par la combinaison hydroxychloroquine – azythromicine. 78 patients se sont améliorés. Un est décédé, l’autre admis en réanimation. La PCR était négative dans 80% des cas en une semaine. Les auteurs concluent qu’il est urgent d’évaluer la thérapeutique à plus large échelle. Une fois encore, l’absence de groupe contrôle pose problème. Que penser d’une évolution favorable chez 98 % de patients peu graves ? Il faudrait pouvoir comparer. La longue série non publiée de la même équipe (plus de 1000 patients dont on ne sait comment ils ont été recrutés parmi 4000 patients testés) pose le même problème : pas de groupe témoin, une évolution qui ne semble pas différente de l’évolution naturelle de la maladie. Cette dernière série fait actuellement couler beaucoup d’encre entre les pro et les anti-Raoult.

Une étude américaine non randomisée chez 368 vétérans ne retrouve pas d’effet de l’hydroxychloroquine seule ou associée à l’ azythromicine . 28% des patients recevant de l’HCQ sont décédés, 22% de ceux qui ont reçu HCQ + AZM contre seulement 11% dans le groupe qui n’a reçu ni l’une ni l’autre de ces molécules. Les résultats de cette étude sont accessibles par PubMed, mais à prendre avec précautions car elle n’est pas randomisée et il est possible que les patients traités aient été plus gravement touchés au départ.

Une étude chinoise a monitoré par télémétrie le rythme cardiaque de 117 patients Covid positifs consécutifs recevant de l’HCQ et/ou de l’ AZM . Ils avaient tous reçu de l’HCQ 400 mg deux fois à J1 puis 200 mg deux fois les 4 jours suivants. 44% d’entre eux avaient également reçu de l’AZM. Sur une semaine de suivi, 15% des patients ont déclenché une alerte, essentiellement à type de fibrillation auriculaire et d’allongement de l’intervalle QT. Toutefois aucun arrêt des traitements n’a été jugé nécessaire.

La première étude chinoise randomisée a tiré au sort deux groupes de 75 patients Covid + dont l’un a reçu des doses très fortes d’hydroxychloroquine (1200 mg à J1 puis 800 mg pendant deux à trois semaines). La disparition du virus n’était pas différente entre les deux groupes. On observait des effets antiinflammatoires (diminution plus rapide de la CRP) dans le groupe HCQ mais malheureusement 3 fois plus d’effets secondaires. Toutefois il s’agit encore d’une étude non référencée sur PubMed, seulement en prépublication sur MedRXiv, donc sujette à caution.

Une étude française non référencée sur PubMed, également accessible (sans peer review) sur MedRXiv ne retrouve pas d’effets bénéfiques de l’hydroxychloroquine chez 84 patients qui recevaient précocement de l’HCQ parmi 181 patients sous oxygénothérapie pour pneumopathie due au Covid-19. L’évolution (Taux de transferts en réanimation ou décès) n’était pas statistiquement différente entre les deux groupes.

Une étude de cohorte internationale publiée sur MedAXiv a évalué les effet de l’HCQ combinée ou non à l’AZM parmi près d’un million de patients dont un tiers étaient traités pour des maladies inflammatoires chroniques (donc à des doses inférieures à celles préconisées pour le traitement du Covid) et un tiers par une association d’antibiotiques. D’après cette étude observationnelle, aucun risque sérieux n’a été signalé après un mois d’HCQ par rapport aux autres traitements anti-inflammatoires. En revanche, l’association HCQ + AZM était associée à une augmentation des décès de cause cardiaque, des cas d’insuffisance cardiaque ou de douleur thoracique.

Un article du JAMA analyse une publication brésilienne randomisée ayant enrôlé 81 patients en défaillance respiratoire, dont 75% dans les deux groupes se sont révélés Covid +. Étaient comparées deux doses d’HCQ. Un groupe recevait 600mg deux fois par jour pendant 10 jours, l’autre 450mg deux fois par jour à J1, puis seulement une fois par jour pendant 4 jours. La mortalité à deux semaines était trois fois plus importante dans le groupe du plus fort dosage (39% vs 15%), mais le groupe haute dose avait incorporé davantage de patients âgés et cardiaques. L’étude conclut qu’il faut éviter les fortes doses.

Au total, les séries s’empilent, dont certaines ont été randomisées ce qui est un pavé dans la mare des adversaires de la médecine factuelle, sans qu’on voie se confirmer un effet bénéfique de l’HCQ, y compris associée à l’AZM. On voit en revanche de plus en plus de cas d’effets secondaires, essentiellement cardiaques, parfois associés à des décès.

On attend toujours les premiers résultats de l’étude européenne Discovery, qui ne seront pas disponibles avant la fin du mois, car la qualité des travaux accessibles reste encore discutable.

PS du 8 février 2024

Depuis, de l’eau a coulé sous les ponts, des travaux scientifiques nous ont révélé que l’hydroxychloroquine avait tué au moins 17000 personnes (mais Raoult reste droit dans ses bottes) et que la vaccination aurait sauvé au moins 160 000 personnes en France. cqfd.

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