irréelle réalité
Einstein nous a patiemment expliqué comment ce que nous tenons comme la vérité la plus absolue, à savoir le principe de simultanéité de deux événements physiques, ne résiste pas à la lumière de la relativité restreinte. La physique quantique et le principe d’incertitude d’Heisenberg nous ont montré qu’appréhender la réalité du monde physique relève de l’impossible. Les neurosciences, qui ont fait un bond de géant depuis mes études de médecine dans les années 70, achèvent de nous convaincre que le processus de la conscience n’est qu’un codage d’une réalité évanescente.
Dans « la réalité de la réalité« , qu’il écrit en 1978, Paul Watzlawick nous démontre qu’il en est de même avec la certitude que nous nous forgeons de notre propre réalité. Ce livre passionnant aborde les problèmes de communication entre les êtres humains, que la colère divine frappa jadis d’incommunicabilité. Il démontre au moyen d’exemples pittoresques (« le cheval névrosé », « le rat superstitieux ») la vanité d’une traduction « parfaite » et comment les subtils malentendus qui en découlent peuvent grever des pourparlers internationaux, ou encore les pièges de la recherche d’une causalité entre deux événements parfaitement aléatoires. Il décortique les mécanismes de la désinformation et de la menace, si actuelle, ou « ce que je pense qu’il pense que je pense ». Les derniers chapitres du livre sont un peu plus exotiques et abordent la communication avec les animaux les plus intelligents (dauphins, singes anthropoïdes) et … les extraterrestres, si d’aventure nous venions à en croiser.
Le chapitre le plus significatif est celui de la communication avec un être imaginaire et du paradoxe de Newcomb, au sujet duquel je vous invite à découvrir quelle serait votre réponse en cliquant sur le lien précédent.
Finalement, l’apport majeur de « la réalité de la réalité » est de démontrer la relativité de ce que nous croyons de bonne foi être l’unique réalité, qui résulte (en réalité) de notre adhésion à ce que nous tenons pour des faits indiscutables, eux mêmes éclairés par notre subjectivité. La solution est bien sûr d’avoir la difficile mansuétude de tenter de se mettre à la place des autres ou l’humilité de reconnaitre la profondeur de notre ignorance.
Watzlawick fut un psychothérapeute de l’école de Palo Alto, fondée en 1959, année de ma naissance, dans la ville du même nom située au sud de San Francisco. Dix ans après « la réalité de la réalité », il publia « les cheveux du baron de Münchhausen« , un livre bien plus épais qui me le fit découvrir en 1993.