Golgotha

Golgotha

Nous étions quatre.

Cinq en comptant l’officier.

C’était la fin d’après midi et l’air était rouge, brûlant et poussiéreux.

Nous relevions les nôtres qui, ayant assisté au supplice, s’étaient partagé ses vêtements.

J’étais très jeune alors et n’avais pas connu de batailles. L’officier nous disposa aux angles du lieu de l’exécution.

Et la nuit vint.

Peu à peu, les spectateurs étaient rentrés chez eux. D’abord les prêtres, puis la foule de ceux qui l’avaient insulté, enfin, à contre cœur, les siens.

De grands nuages s’étaient amoncelés et la brise, chargée d’un parfum d’oliviers, se mit à souffler.

Je l’entendis bouger et gémir dans les syllabes d’une langue que j’ignorais. Sa présence, qui m’avait paru lointaine et irréelle, m’oppressait à présent.

La surprise d’une sueur glacée sur ma chair s’insinuait sous mon armure. Le bois soudain semblait ployer sous lui.

Je ramenai les plis de mon  manteau autour de mes épaules, sa tristesse immense me pénétrait.

Le bruit oppressant de sa respiration me parvenait dans les ténèbres et son ombre dominait la nuit.

Elle m’enveloppait.

Ce furent ensuite ses dernières paroles, à nouveau lointaines, inaudibles. Le sentiment de pitié et d’injustice qui m’avait saisi en arrivant avait fait place à l’inquiétude d’un vide immense.

Quand il mourut, la pluie se mit à remplir le silence.

Ainsi, je n’ai jamais su si j’ai versé des larmes.

En descendant, je me retournai vers la croix qu’éclairait l’aube froide et délavée. Son corps était éloigné, inaccessible, ailleurs.

Mon enfance est restée sur le Golgotha.

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