Eloge du métro

Posté le 13 Juin 2015
 Hier après-midi dans le métro est venue s’assoir, sur le strapontin  voisin du mien, une créature enrobée dans des couleurs psychédéliques  qui m’a paru converser toute seule. Non je ne rêve pas : pas  d’écouteurs, d’oreillette point et ce n’est, semble-t-il, ni à moi  qu’elle s’adresse, ni à l’assemblée davantage préoccupée de pianoter sur  les écrans d’omniprésents smartphones. Quelques minutes plus tard, je  la repère dans les dédales souterrains à ses couleurs flashy,  gesticulant cette fois comme une choréique . C’était manifestement bien à  des esprits qu’elle en avait. 
 Un peu plus loin,  je tombe sur les « après-midi dansés du métro » : sur un rythme hip hop endiablé, des déesses Angkoriennes entrainent un groupe  qui se déhanche, qui avec une grâce ineffable, qui avec un empotement pitoyable, mais enfin, bon, Bastet et Hathor ne nous ont pas faits tous égaux.
 Au gré de pérégrinations qui mêlent l’utile à l’agréable,  on peut  avoir, comme votre serviteur qui n’y monterait plus pour rien au monde,  le malheur de se faire fêler une côte dans un wagon surbondé (si vous  savez comment remplacer ce néologisme, faites le moi savoir dans la  rubrique  » commentaires »), mais aussi la surprise de tomber sur une  représentation de « Bazar et Bémols« , une prise de vue pour « Brigitte »  ou même, au ravissement des voyageuses de tous âges, un improbable  numéro de Pole-dance par des chippendales en boxers « plan du métro ». 
 Hier matin, c’est la poignée de main de deux indo-pakistanais, qui  tranche le cylindre de viande hachée propulsé hors d’un wagon  du RER B  (surbondé aussi) ou au contraire une famille entière  de japonais au garde-à-vous (le père, la mère,  le saint-esprit)  sur un tapis roulant, qui  tranchent eux, sur les régiments de néchiffes qui s’affolent dans les couloirs de la fourmilière. 
 Néchiffes, certes, mais aussi ribambelle d’individus bizarres, excentriques, piercés, rasés,  crépus, dreadlockés, teints (j’ai encore dans la rétine un vert  émeraude et un violet fluorescent). Tout ce petit monde s’entrecroise en  accéléré, en se percutant rarement dans le fond, comme un ballet de  chiroptères.  
 Ah, Paris comme je déteste tes boulevards enfumés 
 et les remugles sudoripares de ton métropolitain, 
 Oh Paris, comme je t’aime. 
