Philosophie de la Structure Sainte
Le logiciel Structure Synth dont je vous ai récemment entretenus n’est pas seulement un amusement attendrissant pour geek désœuvré. Plonger dans les méandres de son langage somme toute assez simple – puisqu’on peut quasiment en faire le tour en quelques jours – fait prendre conscience des structures de la complexité, ou comment à partir de règles incroyablement simples et de quelques formes de base, l’univers peut créer la multitude des merveilleuses formes qui le peuplent.
Ainsi, une seule commande peut générer la féérie de millions de couleurs, qui dans la « vraie vie » sont issues d’une structure dont un seul paramètre varie : la fréquence d’une onde électromagnétique.
Ainsi, quelques lignes de code (pas des dizaines) peuvent en miroir créer des formes extrêmement complexes et chaotiques que la variation, parfois très faible, d’un seul paramètre, fait changer dans des proportions étonnantes. Ainsi de la génération de branches, du développement dans l’espace d’une cité mythique, de la reptation de formes organiques ou encore du déploiement de draperies multicolores, telles que seule l’antique Mycènes en a connues.
On comprend soudainement comment avec infiniment de patience l’univers a secrété l’ensemble immense de ses merveilles à partir de quelques quarks ou pire, d’une seule corde cosmique, dont les vibrations définissent la nature des choses.
Le Mendelbulb nous avait habitué à l’offrande de formes fractales toutes plus inattendues les unes que les autres mimant, là également, à partir de quelques formules alchimiques, la diversité des mondes organiques et minéraux.
En allant juste un peu plus loin, on comprend les ressorts occultes de la théorie du chaos, qui expliquent tous les événements qui font notre actualité, parfois magnifiques, souvent dramatiques : ainsi de l’émergence des variants problématiques du coronavirus, ainsi des caprices du réchauffement climatique ou de l’explosion de haine et de violence qui déchire en ce moment même la Palestine. Idem de l’emballement des bulles spéculatives et des crises de 29 et autres cataclysmes.
Quelques variables : l’antagonisme des deux composantes d’une société, le taux de croissance de l’industrie, celui de la consommation, du « moral des ménages », la croissance en dixièmes de degrés du réchauffement climatique, un coup de baguette magique qui règle un paramètre et en dérègle un autre, et c’est la guerre civile, les cyclones, la ruine. Mais c’est aussi l’évolution darwinienne, la complexité d’une symphonie, la découverte de nouveaux mondes ou la palette des sentiments humains.
Pour les geeks qui voudraient s’initier à cette calligraphie, il faut savoir que « S1 » ne marche pas : il faut écrire « S 1 », avec un espace, une respiration. On ne peut pas écrire « 5 * R1 » mais « 5 * {} R1 », et c’est presque de la poésie. On met un espace de part et d’autre du *, pour lui laisser ses aises, mais au contraire il ne doit y en avoir aucun entre un signe moins et sa valeur numérique.
Les vrais initiés découvriront que « rule R1 md 9 > Fin » signifie que la règle R1 s’exécute 9 fois (MAXIMUM DEPH) avant de céder la politesse à la règle Fin (ce qui permet par exemple de déposer une fleur à l’extrémité des branches d’un arbre). Lorsque la complexité des calculs est telle que la machine fatigue et qu’elle demande grâce, il faut la mettre à genou et lui en demander davantage. On écrira SET MAXOBJECTS 400000 si on ose. En revanche, lorsque les appels d’une procédure à l’intérieur d’elle-même ne sont utiles qu’une seule fois sous peine de transformer une magnifique draperie en loque déchiquetée, on introduira « SET SEED INITIAL » à l’intérieur même de cette règle, commande qui d’autorité figera l’aléa.
Parcourir ces gammes algorithmiques permet de lever un coin du voile sur les programmes occultes qui régissent l’embryogenèse des organismes ou la dégradation des tensions internationales. Comme dit ce facétieux intermède d’Arte, tape « Structure Synth » et tu mourras moins bête, mais bon, tu mourras quand même…