Dans un jardin qu’on dirait éternel
Dans l’incertitude de la fin de l’enfance, Noriko, pensive, mal dans sa peau et maladroite, et sa cousine Michiko, pleine d’énergie, rieuse et directe, s’inscrivent à un cours de cérémonie du thé. Elles sont accueillies dans sa maison traditionnelle, dont les shojis donnent sur un magnifique jardin où coule une fontaine, par madame Takeda qui, en guise de préambule, leur explique l’art de plier une serviette. On appréhende d’emblée au travers du geste, complexe comme un origami, qu’acquérir l’essence de cet art ancestral, qui plonge dans les racines de l’âme japonaise, ne sera pas une mince affaire.
Le cheminement de Noriko va durer 24 ans, de la fin de l’adolescence à la maturité, au fil des saisons rythmées par les délicates céramiques japonaises et les fascinants wagashis, ces pâtisseries au motif souvent floral et dont la confection qui reflète le passage des saisons est un art étroitement associé à celui du thé.
Le lieu reste le même, dans la simplicité de ses tatamis et de ses cloisons translucides, mais l’impermanence est dans l’éternel retour des changements de température, du clapotis de la pluie ou de celui de la fontaine au printemps, du rougissement des feuilles, de l’arrivée de la neige. Au travers du geste mille fois répété, alors que l’analyse fait peu à peu place à la sensation, s’installe une perception méditative du monde. On ne se baigne pas deux fois dans le même fleuve disait Héraclite, et ce qui pourrait paraitre formel ou ennuyeux est sans cesse renouvelé dans la calligraphie du tokonoma, la contemplation des wagashis et des céramiques, et plus encore dans les changements subtils de physionomie de Noriko, successivement aux prises avec l’inquiétude, l’espoir, la déception, la tristesse et le deuil, avant que ne viennent enfin l’apaisement et la plénitude.
Dans un jardin qu’on dirait éternel distille une émotion qui transforme les simples spectateurs que nous sommes en acteurs de l’Art du thé ; la répétition des gestes et l’atmosphère contemplative font participer à la pleine conscience des images et des sons et de l’instant présent, à tel point qu’on finit, comme Noriko, à percevoir la différence infime dans le son de l’eau qui s’écoule, selon qu’elle est froide, ou chaude.
Et finalement, alors que le temps a passé, que se sont succédées les saisons et les années, l’enfance, la jeunesse et la maturité, que les états d’âmes sont venus et sont repartis, c’est la belle calligraphie du tokonoma qui transmet le message essentiel : « chaque jour est un bon jour ».