AI

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L’émouvant film de Steven Spielberg (à côté de celle du jeune héros, enfant robot conçu pour aimer, l’interprétation stupéfiante de Jude Law en gigolo cybernétique) est repassé récemment à la télévision; les derniers grands rassemblements informatiques s’enthousiasment pour la réalité virtuelle, les voitures commencent à conduire toutes seules… Alors qu’il se réchauffe dangereusement, qu’éléphants, gorilles et baleines s’éteignent peu à peu, le monde est en train de basculer dans le numérique, le GPS et la WIFI ubiquitaires, l’impression 3D, les premières prothèses électroniques intelligentes.

Mais qui se souvient d’Alan Mathison Turing, Icare brisé par l’ostracisme d’une société d’après-guerre obsédée par la même chasse aux sorcières qui détruisit un autre homosexuel de génie, Oscar Wilde ? Il est d’ailleurs troublant que Turing, né avec le naufrage du Titanic (1912), ait croqué sa pomme empoisonnée au cyanure juste un siècle (1954) après la naissance de Wilde (1854).

David Lagercrantz, le journaliste qui a donné avec maestria un 4ème volet à la série de Stieg Larsson, prématurément disparu avant la publication du tome 3 de Millenium, a publié en 2009 un roman passionnant aux allures de thriller sur le suicide de Turing. Actes Sud vient de l’éditer en français et je vous le recommande.

Un peu à la façon de « l’amour au temps du choléra » de notre regretté Gabo, cette biographie romancée commence par une odeur d’amande amère, faisant de cette enquête imaginaire, une autre « Chronique d’une mort annoncée ».

On y redécouvre Le Turing de « Imitation Game », à la limite du syndrome d’Asperger, doublement contraint à la clandestinité par la condamnation infamante de son homosexualité et l’impossibilité de se réclamer de ce qui lui aurait valu la gloire s’il ne s’était agi de la seconde guerre mondiale : avoir brisé le code de la machine Enigma par laquelle les nazis transmettaient tous leurs messages secrets.

Turing jeta les bases de l’intelligence artificielle qui nous préoccupe tant aujourd’hui. En témoignent les autres films d’anticipation : « Her », « Automata », « Ex machina »… qui, plus subtilement que « Terminator », posent clairement le problème : si l’homme peut inventer une machine qui pense, où s’arrêtera-t-elle ?

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