KPTI en ligne : Vous l’avez rêvé, Georges Mion l’a fait
Lassé de devoir expliquer (et surtout me replonger dans) le fonctionnement labyrinthique des modèles DEMED, et soucieux de léguer à l’humanité une interface qui permette enfin de simuler les concentrations plasmatiques de kétamine injectée dans les veines, j’ai élaboré cette semaine, pour vous (mais oui !), KPTI (Depuis KPTI a migré vers KPTiva).
J’ai découvert l’acronyme KPT avec mon logiciel préféré de modélisation 3D, Bryce, qui à l’époque s’appelait, sans que je sache trop bien pourquoi, » « KPT Bryce ». J’ignorais alors que KPT signifiait, pour quelques happy-few dont les portes de la perception étaient probablement plus ouvertes que celles des autres, « Ketamine Psychedelic Therapy », un clin d’œil, sans-doute, aux paysages psychédéliques que Bryce extrayait de votre imagination, à votre grand étonnement d’ailleurs. Un avant-gout de « deep dream », peut-être, mais nettement plus créatif.
KPT, donc, renvoie à la vague « psychédélique » des années 60, et à l’usage thérapeutique (ou pas) de drogues hallucinogènes comme le LSD, la psilocybine ou la mescaline. En fait, depuis les années 2000 et la redécouverte des propriétés antidépressives de la kétamine, synthétisée par Calvin Stevens en 1962, un champ de recherche très dynamique vient de se ré-ouvrir. Des études récentes laissent penser que la kétamine, ou certaines drogues comme la psilocybine, pourraient aider les patients en phase terminale à gagner plus sereinement les rives du Léthé. (NDE et OBE seront pour une autre fois).
L’interface, qui encapsule le modèle DEMED – un peu abscons de prime abord – dans une fenêtre Excel plus intuitive, ne pouvait faire moins qu’un clin d’œil, psychédélique aussi, à la kétamine que j’étudie sans lassitude depuis que ma collègue le docteur Dominique Daihle-Dupont, trop tôt disparue, me l’a présentée à la maternité de l’hôpital Saint-Vincent de Paul dans les années 80 lorsque j’étais interne à Paris.
KPTI pour « Ketamine Plasmatic Target Interface », permet d’étudier de manière ludique et réaliste (un genre de « serious game ») les répercussions plasmatiques de l’administration de bolus intraveineux ou d’une perfusion de kétamine. On entre le poids du patient et les données d’injection dans les colonnes de gauche, et KPTI vous fournit à droite la courbe des concentrations plasmatiques calculées selon le modèle de Domino, au-dessus d’un schéma de vos interventions, dans la pure tradition d’une feuille d’anesthésie. En prime, le soft code en couleurs (d’où l’aspect faussement hallucinatoire) la zone de concentration dans laquelle vous pensez plonger votre patient virtuel : sommeil profond, émergence, délire, analgésie, ou protection antihyperalgésique.
Pour la petite histoire, Edward F. Domino supervisa, dans une ambiance que je me plais à imaginer un peu thanatonautes, la première administration de kétamine à un être humain en 1965, en l’occurrence, choisi parmi des prisonniers volontaires. Bien peu savent que c’est sa propre femme qui fut à l’origine de l’invention du terme « dissociatif » pour caractériser l’état de conscience si spécifique et un peu étrange provoqué par la kétamine. Lui-même l’a révélé récemment dans un article d’anthologie de la prestigieuse revue Anesthesiology.