Charmer l’impassible hasard
Après le délicieux « The lunch box », Ritesh Batra explore à nouveau comment les méandres du hasard peuvent réunir deux cœurs battant sur de distantes planètes.
Dans « the lunch box », un dysfonctionnement inattendu du complexe, gigantesque et a priori infaillible système de livraison de l’équivalent indien des bento japonais fait arriver le repas préparé avec amour par Ila, une jeune femme qui cherche à capter l’affection de son mari qui la délaisse, sur le bureau de Saajan, un employé aigri, dont la retraite est proche. A travers les petits mots qui empruntent le chemin inverse (les paniers vides retournent à l’envoyeur) et sont sources d’exquis quiproquos, va se tisser une relation affective aussi imprévue qu’enrichissante pour les deux protagonistes.
C’est encore un hasard qui réunit deux âmes éloignées dans « le photographe ». Raphi, modeste photographe de rue à Bombay, prend un cliché de Miloni, qui oublie (ou c’est tout comme) de lui régler le prix de la photo. Ce cliché va révéler à Miloni, bucheuse et meilleure élève de sa classe d’experts-comptables, une part de la féminité qu’elle réprime : on existe par le regard de l’autre. De même que la famille de la jeune femme se préoccupe de lui trouver un bon parti, la grand-mère de Raphi, par le relai de l’entourage amical du jeune homme, le harcèle pour qu’il prenne femme. Or le cliché donne l’idée à Raphi de faire croire à la tenace grand-mère (qui va débarquer) et à ses complices, qu’il a trouvé chaussure à son pied. De même que l’improbable bento réunissait Ila et Saajan, la charmante photographie prise un peu par hasard va permettre à des liens, extrêmement pudiques, de se tisser peu à peu entre Raphi et Miloni, et de les faire s’échapper de leur deux solitudes.
Comme dans « the lunch box », de doubles-sens en malentendus amusants, la question sera de savoir si l’histoire se répète ou si les acteurs de leur propre existence parviendront enfin à faire le choix qui pourra les sauver.