Grand maître… du clair – obscur

Posté le 19 Avril 2013
Si les arts martiaux et la Chine vous emballent, ne boudez pas votre plaisir.
 Les critiques (Télérama) du dernier film de Wong Kar Wai,  fruit de plusieurs années de tournage d’un projet né en 2001 ne sont  pas exemptes de pertinence. On peut certes reprocher au grand maître un  scénario complexe, pourquoi pas décousu et des scènes difficiles à  appréhender : ainsi de la main maculée de sang dans la scène du train,  du meurtre du vieux maître ou encore de la symbolique du bouton de  manteau. En fait, à peine sorti de salle, on serait tenté de retourner  s’assoir devant l’écran pour revoir dans la foulée cette fresque  historique somptueuse, qui nous plonge dans la Chine de 1936 à 1954, meurtrie par l’invasion japonaise.
Yip Man, connu pour avoir initié au Kung Fu Bruce Lee (le « petit dragon« , fondateur du Jeet Kune Do et décédé en 1973 à l’âge de 33 ans) y est habité par Tony Leung, dont « in the mood for love » et «2046»  nous avaient familiarisés avec l’élégante silhouette errant dans les  labyrinthes du temps qui passe et de la nostalgie des amours  impossibles. Le dandy de 47 ans, qui a certains airs de Barack Obama,  s’est transformé en un combattant invincible au fil d’un entraînement  qui aura été tout sauf un défilé de majorettes : son coach, propre fils de Yip Man, lui a brisé le bras gauche au cours d’un combat. L’amour  impossible, celui des « passantes » de Brassens, est incarné par Zhang Ziyi, déjà sublime dans « 2046 » ou « Le Secret des poignards volants ».
 Les imperfections alléguées du film font sa force : les méandres du temps   et des sentiments contradictoires, des serments impossibles à tenir,  des destins brisés et des idéaux chevaleresques s’y expriment dans des  clairs obscurs dignes d’un Rembrandt ou d’un Vermeer, des scènes oniriques, des décors somptueux. La bande originale  est à la hauteur des autres œuvres du maître. Seul regret, on n’y voit  poindre l’ombre de Bruce Lee, pourtant élève de Yip Man en 1953… 
