Un géant en danger

Un géant en danger

Je vous ai parlé du plus grand papillon d’Afrique, le magnifique Papilio antimachus, dont on ignore encore tout de la biologie. Un exemplaire mâle de l’ornithoptère de la reine Alexandre, provenant de la prestigieuse collection d’Eugène Le Moult (1882-1965), qui amassa en son temps plus de 4 millions d’insectes, vient d’être vendu aux enchères à Douai pour la modique somme de 4900 euros. Un couple s’était vendu 5125 euros en 2016 et « seulement » 3125 euros à Drouot en 2020.

Ornithoptera alexandrae dont l’envergure peut atteindre 30 cm chez la femelle, est le plus grand papillon du monde. Il fait partie de la famille des ornithoptères (birdwings, « ailes d’oiseaux ») qui sont, comme antimachus, des papilionidés, lépidoptères grands et majestueux qu’on trouve aussi dans nos régions (les beaux Machaon et Flambé). Les ornithoptères, et leurs proches parents, Trogonoptères et Troïdes, vivent eux dans le nord de l’Australie, en Malaisie, à Bornéo et Sumatra, mais surtout pour les plus rares d’entre eux, en Nouvelle-Guinée, dans les iles Salomon et l’archipel des Moluques. Des noms qui font rêver…

Comme les Morphos d’Amérique du Sud (qui ne sont pas des papilionidés, mais des morphidés aux ailes d’un éblouissant bleu métallique), les ornithoptères sont caractérisés par un incroyable dysmorphisme sexuel : le mâle chatoyant arbore, sur un fond noir velouté, de magnifiques couleurs qui varient selon l’orientation des rayons lumineux (leurs écailles sont de minuscules prismes qui décomposent la lumière) dans les tons verts, bleus, violets, jaune, parfois doré comme chez ornithoptera Croesus, découvert par Alfred Wallace qui, foudroyé par sa beauté, fit un malaise la première fois qu’il en vit un. Les femelles sont plus grandes que les mâles, et leurs ailes immenses sont colorées de bruns, qui vont du marron clair au chocolat, jusqu’au gris foncé et au noir.

Ornithoptera alexandrae n’est pas seulement un géant, il est également rarissime, à tel point qu’il est interdit de le capturer et qu’on ne le voit pratiquement jamais en collection. Il est rare et – hélas – en danger parce que son aire de répartition qui fait moins de 150 km2, concerne deux toutes petites surfaces en Papouasie Nouvelle-Guinée, qui abritent deux populations qui se seraient séparées il y a 10 000 ans.

Contrairement à une idée répandue, ce ne sont pas les entomologistes qui font disparaitre les papillons (ils les aiment trop pour ça), mais les incendies qui ravagent leur biotope et les pesticides qui en Europe ont anéanti 80% des populations d’insectes.

D’après ce que je crois savoir, certaines tribus de papous élèvent O. Alexandrae, dont on sait que la chenille se nourrit d’une variété d’aristoloche.

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