Brain-zaps sur ordonnance

Réalisant que je deviendrai dans quelques mois un ex-médecin anesthésiste en activité (bon, un médecin retraité si vous préférez), j’ai commencé à me renseigner sur les prescriptions qu’il me sera encore possible de faire, en principe pour ma famille et mes « proches ».
Justement, un ami proche (très) qui fit, à la suite d’un harcèlement moral prolongé (une entreprise systématisée de persécution autrement dit) une dépression induite par les conditions de travail (voir « burnout » sur Wikipédia), se vit prescrire par un confrère des antidépresseurs. Je ne vois d’ailleurs pas pourquoi on met habituellement ce terme au pluriel, surement parce qu’on doit en essayer plusieurs avant de tomber sur le bon. Prescription donc, mais mon ami, alors dans la force de l’âge, voyant par ailleurs et pour la même raison un psychiatre, osa lui demander si le médicament en question (un IRS = inhibiteur du recaptage de la sérotonine, l’hormone du bonheur…) pouvait, comment dire… retarder, voire supprimer ce qu’il fallut bien finir par nommer un orgasme. Réponse du psychiatre : « pas du tout, beaucoup de mes patients en prennent (du médicament, pas de l’orgasme), et ça ne les gêne en aucune manière ». Parcourant plus tard avec mon ami et avec empathie la longue liste des effets secondaires de l’antidépresseur en question, je lui fis tout de même remarquer que le dit médicament avait pour autre indication l’éjaculation précoce. CQFD.
Mais là n’est point la question. Ce qu’ignorait également mon confrère psychiatre, qui affirma à mon ami que les antidépresseurs n’entrainaient absolument pas d’accoutumance, c’est que dans un certain nombre de cas, certes peu nombreux, l’arrêt du traitement, surtout s’il est brutal, provoque un syndrome de sevrage particulièrement original qu’on appelle des brain-zaps. Traduction : sensations de décharges électriques perçues comme survenant à l’intérieur du crâne, parfois déclenchées par les mouvements oculaires, d’une plus ou moins grande intensité, mais d’autant plus effrayantes pour le patient qu’il s’imagine atteint d’une pathologie cérébrale potentiellement fatale (tumeur ? pathologie dégénérative ? Que sais-je encore ?) et ce pendant une période d’autant plus longue que l’origine du trouble va mettre des semaines à être élucidée, par un quidam qui aura finalement peut-être entendu parler des fameux brain-zaps.
Eh bien figurez vous que j’ai appris que chez les patients qui prennent des antidépresseurs, ces brain-zaps peuvent également être déclenchés à l’occasion d’infections virales fébriles aussi banales que la grippe ou le Covid (pour les puristes, je n’aime pas dire la Covid, bien qu’il s’agisse de la maladie, mais tout le monde se comprend). Une explication avancée serait que l’interféron, une des protéines impliquée dans notre réponse aux infections, diminuerait la sérotonine cérébrale, précipitant un mini syndrome sevrage-like. Inutile de préciser que le confrère psychiatre dont il est question plus haut n’en a probablement pas la moindre idée.
Prescrire, prescrire…
On en apprend tous les jours.

You must be logged in to post a comment.